[MUCHADA]

Dans le cas qui nous occupe, nous nous sommes efforcés, tant par le biais de la méthodologie que par l’intérêt pour les divers contenus, de maintenir l’oeil ouvert et attentif à d’autres domaines en lien avec l’architecture et l’urbanisme. A tout moment nous avons souhaité analyser le contexte historique de travail: la situation  socio-politique du Maroc précolonial, les facteurs qui ont influencé le développement du projet colonial, les questions de pouvoir et de conflits politiques et sociaux, la mise en oeuvre des plans de développement économique et urbain.

La transformation qu’a souffert le Maroc en quarante-cinq années de colonisation, s’est révélée importante à tous les niveaux: éducation, santé, économie, population urbaine. Comme l’indique le titre choisi pour ce projet cela a représenté un véritable défi pour la population marocaine qui a dû rompre avec ses structures traditionnelles et en inventer de nouvelles en très peu de temps.

En ce qui concerne le logement en tant que nécessité de la société, nous avons décrit de manière sommaire la nouvelle situation apparue dans les villes de par le processus migratoire: l’implantation de bidonvilles et de baraquements, l’apparition d’épidémies dans les premières années, l’accès pour la population aux nouveaux services d’eau, d’électricité, de santé, de scolarisation. Les périphéries des villes ont été le théâtre de ce choc culturel et de civilisation.

En général, les études ont montré que le logement n’était une priorité ni pour la population qui ne le réclamait pas de manière expresse, ni pour l’Administration qui l’a utilisé plus comme un symbole que comme une action intégrale de garantie de droits. Les procès-verbaux municipaux consultés ont révélé que, jusque dans les dernières années, les discussions tournaient toujours autour des projets d’adduction d’eau et de d’approvisionnement en électricité. Cette situation a fait que la majorité des projets de logements publics ont été réalisés en dehors de tout aménagement et de toute politique, dans un urbanisme de l’urgence face aux épidémies ou dans un but électoral.

D’autre part, au coeur de la réflexion se situait la culture, et dans le cas qui nous occupe, la culture de l’habitat. La recherche du logement minimal raisonnable, par rapport au mode d’habitat, a été un des foyers d’attention pour la production de logements. De fait, l’observation des quartiers périphériques de Larache met en évidence les tensions que représentait le changement pour ces familles de milieux profondément ruraux, sans communication ni électricité ni école.

De même dans les analyses effectuées, nous avons considéré les programmes de logements réalisés à la périphérie, programmes modestes mais dont les promoteurs étaient marocains, de Tétouan, qui avec leurs petites parts de pouvoir, décidaient avec l’aide d’un technicien leur logement. Ces programmes, anonymes dans leur majorité et sans valeur patrimoniale théorique nous ont servi de référence dans cette étude parce qu’ils reflétaient bien le ressenti de la culture locale, leur façon de concevoir le logement et d’interpréter la modernité.

Les programmes de logements officiels, réalisés par des architectes reconnus, ont été dans la majorité des cas des exemples d’avant-garde, de réflexion avec une valeur patrimoniale aujourd’hui, mais ils n’ont pas su s’adapter aux besoins des habitants. Cet aspect se manifeste à l’époque actuelle par le degré de transformation que ces logements ont subi. De plus ils avaient recours habituellement aux surfaces minimales 30 à 40 m2; c’est pourquoi ces logements ont eu tendance à accroître leur superficie tant bien que mal.

En ce qui concerne la politique du logement et sa gestion municipale, notre recherche s’est penchée sur divers documents
non publiés comme les rapports des architectes  ou les procès-verbaux municipaux. Cette documentation d’origine a présenté un grand intérêt parce qu’elle démentait les publications officielles réalisées par le régime et soulignaient les difficultés du quotidien. Les projets proposés par l’urbanisme n’ont pas vu le jour.Les programmes sans de solides outils de gestion et de promotion n’ont pas pu être menés à bien. Ceci s’est traduit dans la réalité par un fort développement des périphéries et par divers processus d’autogestion de l’accès au logement- aussi bien par voie légale que par voie illégale- comme le montraient les images des installations.

En ce qui concerne l’urbanisme la question du logement a été inhérente au concept de ville. La façon de concevoir la ville, son mode de croissance et sa typologie définissaient les bases garantissant la réalisation des logements.Dans notre étude est apparue l’analyse sur les zones d’expansion de Larache et Tétouan et la description de leur évolution alors que le processus spéculatif les a laissées, pendant les premières décennies, vides et inaccessibles pour de nombreuses couches de la population.

Enfin, dernier maillon des zooms de compréhension, est apparu le logement lui-même. Comme nous l’avons commenté le logement n’a pas représenté une priorité et aucune politique d’ensemble à proprement parler n’a été réalisée. Cependant, l’ensemble des programmes mis en place par l’Administration pour pallier les déficiences du système, a constitué un corpus intéressant aussi bien au niveau du patrimoine que de l’acquisition d’expérience dans la promotion et le dessin de logements protégés aux dimensions minimales et au moindre coût.

Dans la spécificité de l’espace domestique, le dessin des espaces, leur composition, la pertinence des espaces collectifs et de rencontre, la typologie proposée, le concept d’architecture évolutive, de nombreux facteurs ont eu leur impact sur le bien-vivre et la recherche du droit au logement et à la ville.

Dans l’ensemble, aussi bien dans ce travail de recherche que dans la réalité historique étudiée, a prédominé un désir perpétuel, une quête inhérente aux motivations des techniciens et à l’action citoyenne. Ce travail pourrait prendre pour titre « la ville inventée », forme urbaine dont avait et a besoin le contrat social de la société marocaine moderne.